Est-ce normal ? Réponse à une question trop fréquemment posée

Qui aurait crû que la question « Est-ce normal ? » soit l’une des plus fréquentes à laquelle nous répondons, en tant que bénévoles sur la ligne de soutien… ? Pas moi, c’est certain!
C’est même l’une des questions qui m’a le plus surprise quand, à l’issue de ma formation, j’ai commencé à répondre en solo aux appels!

– Je me demande si c’est normal que mon copain… xyz… zyx… xmhqy…
– Non, ce n’est pas normal.
– Je ne t’ai pas dit de quoi il s’agit…
– Si tu te poses la question, c’est déjà que ce n’est pas normal POUR TOI.

I. Est-ce NORMAL ?
Mais, ça veut dire quoi : « normal » ?

« Est-ce normal ? » est une question posée par des femmes de tous les âges, de tous les milieux,
dans des contextes différents les uns des autres…
C’est une interrogation qui est toujours exprimée avec beaucoup d’angoisse.
C’est une question que se posent certaines femmes tous les matins et tous les soirs quand le climat d’une relation « jusque là parfaite » se dégrade de jour en jour à la suite d’un incident qui pourtant leur semble anodin.
Ou bien, une question qui survient d’un seul coup, quand on se retrouve poussée contre le mur ou violemment écartée du chemin à la suite d’une dispute.

Est-ce normal ? Suis-je normale ?
C’est comment, chez les autres ?
On est aussi poussée contre les murs ?
Les insultes pleuvent aussi fort ?
J’ai bien vu une série à la télé, c’était un peu comme ça…
C’est normal, donc ? C’est où, d’ailleurs, la limite entre normal ou pas ?

Nous autres bénévoles avions reçu une formation très complète, cependant cette question si fréquente n’y avait pas été abordée telle qu’elle nous est régulièrement posée.

Pour y répondre, il faudrait déjà commencer par définir ce qui est « normal ».

1.Définir ce qui est normal 

La normalité, dans les relations humaines, ça n’existe pas !

Nous sommes tous différents, nos passés sont divers.
Notre éducation, notre culture, nos manières, notre style de vie, notre caractère…
tous ces éléments et leur mélange unique fait de nous des êtres, des femmes singulières.
De même, nos espoirs, nos attentes, les plans que nous faisons pour notre avenir contribuent à faire de nous des personnes uniques.
Nous revendiquons souvent notre individualité… dans le cadre de ce que nous imaginons être « normal » !

Et puis, un jour, un geste de trop, une insulte cinglante, des menaces…
Tout à coup, nous nous posons cette question : est-ce normal ?

Le fait même de se poser cette question est un indicateur que les paroles, les gestes, les comportements de l’autre bousculent notre sensibilité et, quelque part, nous blessent.
La vraie question, celle que je devrais me poser, n’est pas si un geste, une parole, un comportement est normal, mais s’il est acceptable pour moi, s’il est respectueux, s’il tolère la réciprocité.

 Il est important ici de préciser que toute forme de violence est inacceptable, et illégale ou criminelle.
Les actes de violence sont toujours la responsabilité de la personne qui les commet.

(Même si vous êtes horripilante et hystérique quand vous vous énervez, même si vous avez défoncé l’aile de la voiture, même si vous avez couché avec le voisin.)

Selon le pays, les auteurs de comportements violents sont punis par la loi en tant que délit ou crime, et le fait que l’auteur de ces violences soit une personne proche est un facteur aggravant.
Le terme de violences n’est pas limité aux violences physiques.

2. Savoir s’écouter

En recherchant cette fameuse « normalité », en acceptant sans le remettre en question un comportement qui nous agresse, nous étouffons nos sentiments au lieu de les écouter.
Pourtant, nos sentiments sont nos « détecteurs », c’est eux qui nous permettent de « sentir » qu’un mot, un geste dépasse notre limite, va trop profond, nous touche là où nous sommes sensibles, vulnérables, voire fragiles.

Je suis peut-être sensible aux remarques sur mon physique, alors que c’est le cadet de vos soucis.
Vous, par contre, ne supportez pas qu’on vilipende votre famille, ou que l’on vous presse alors que vous aimez prendre votre temps.

(Dans le domaine de la violence verbale et psychologique
— qui sont toujours des précurseurs à la violence physique —
il est intéressant de lire l’analyse sur les injonctions d’Anne Clotilde Ziéglier).

Faire fi de nos sentiments, c’est un peu comme ignorer la douleur des ampoules que nous font nos nouvelles baskets. Nous continuons à marcher des kilomètres et nous étonnons, à l’arrivée, d’avoir la peau arrachée et des plaies infectées…

Les petites douleurs qui nous font nous interroger sont des signes à prendre en compte sérieusement. Elles sont les premiers signes de blessures à venir, plus profondes, plus douloureuses et plus longues à guérir.

II. Remplacer « est-ce normal ? » par « est-ce acceptable… pour moi ? »

Personnellement, je trouve plus constructif de modifier la question.
Plutôt que me demander « est-ce normal », je peux me demander si c’est acceptable pour moi.
Savoir ce qui est acceptable chez les autres ne m’aide pas.

Si Marie suspend, en guise de déco, des chaussettes multicolores sur un fil qui traverse le salon d’un bout à l’autre, et Tom est d’accord, ce n’est peut-être pas « normal »  pour vous ou moi, mais ça l’est pour eux.

C’est anodin, me direz-vous, les chaussettes au salon…

C’est vrai, et c’est faux…
Car le « normal » part du consensus. D’un compromis réciproque.
Tom accepte les chaussettes au plafond et Marie, le poster de Harley Davidson de Tom sur le mur de leur chambre (… pour rester dans un exemple déco).
Ils peuvent se mettre d’accord sur toutes sortes de comportements qui, moi, ne me satisferaient pas et ensemble créer leur « normalité ».
Ensemble, définir le cadre de leur couple.
C’est parfois une entente tacite : Marie et Tom ne se sont jamais mis officiellement d’accord sur le fait que c’est presque toujours Tom qui descend la poubelle en partant au travail et Marie qui remplit les papiers d’assurance.
D’autres fois, c’est un accord négocié : Tom joue tous les jeudis soir au billard avec ses copains et en contrepartie, c’est lui qui s’occupe des enfants quand Marie va au yoga le samedi matin.
Ou peut-être il n’y a, dans ce cas, pas de contrepartie, car Marie sait que Tom l’écoute et la soutient quand elle exprime un besoin.
Marie et Tom construisent une relation équilibrée. Ce n’est pas l’un ou l’autre qui domine ou a toujours le dernier mot.

Juliette, elle, n’aime pas passer la soirée de jeudi seule,
elle l’a dit une fois à son compagnon, qui sort quand même — tous les jeudis, sans exception —
et elle souffre à chaque fois de ne pas être écoutée, entendue, reconnue.


Normal ? Pas normal ? Acceptable ? Inacceptable ?

 Entériner des manières d’agir qui nous blessent ne peut, à terme, que nous faire du mal.

D’une part, nous souffrons de ce que nous acceptons quelque chose qui nous blesse et d’autre part,
à la longue, nous ressentons de la culpabilité, de la honte, de ne pas savoir nous affirmer.

Nous rentrons dans un engrenage dont il nous semble difficile de sortir « puisque nous avons accepté une fois ».

1. Une méthode express pour répondre
à l’interrogation : « Est-ce normal ? »

Ce serait chouette si nous pouvions toutes aller chez le psychothérapeute pour comprendre pourquoi certaines choses nous blessent et d’autre pas, et sur des bases — et un égo — sains, avancer.
Et si vous pouvez vous la procurer, une aide psychologique est toujours bienvenue.

D’ailleurs, le pourquoi est une chose, mais parfois, il nous est plus utile de savoir “comment changer” (Ça, c’est plutôt le job des coach)

Dans l’immédiat, si vous n’avez pas un thérapeute sous la main, et si vous vous demandez si ce qui se passe dans votre couple est normal :

  • il me demande de lui confier mes mots de passe –il dit que c’est une preuve de confiance et d’amour ;
  • il ne me prévient pas quand il sort ;
  • il m’a poussée dans les escaliers ;
  • il m’a laissée sur le bord de la route ;
  • il me traite de p— parce que j’ai parlé à l’épicier… je vous propose :

D’INVERSER LES RÔLES.

Fictivement, bien sûr !
Ou d’utiliser des tierces personnes:

  • Que penseriez-vous de votre meilleure amie si elle refusait de vous donner ses mots de passe ?
  • Est-ce que vous seriez choquée si votre père sortait sans prévenir votre mère ?
  • Ou si votre fils poussait son copain dans les escaliers ?
  • Ou si vous, vous le laissiez sur le bord de la route ? (Le feriez-vous, comme ça, sans remords, en vous disant qu’il l’a bien mérité ? Ça ne vous semble pas complètement fou, quand vous inversez les rôles ?)
  • Traitez-vous votre voisine de p— quand elle va à l’épicerie ?

C’est simplissime.
Et pourtant, dans la plupart des cas, ça marche.
Ça nous remet les idées en place.

Si vous ne trouvez pas ça « normal » pour d’autres que vous,
pourquoi seriez-vous prête à accepter vous-même quelque chose qui vous fait du mal ?

2. N’acceptez plus ce qui n’est pas normal pour vous

Les relations de couple fonctionnent comme les contrats d’affaires.
Certes, nous n’aimons pas trop y penser comme ça… pourtant les mêmes principes entrent en jeu.
Tous les problèmes qui ne sont pas élucidés et résolus viennent empester la relation.
Il suffit que l’une des parties soit insatisfaite ou spoliée pour que l’avenir du contrat soit mis en danger.

Alors, faites-vous confiance !

Si vous vous demandez « Est-ce normal ? »,
c’est que pour vous, ça ne l’est pas.

Ne fuyez pas la discussion,
comprenez où est la limite de ce que vous pouvez, ou voulez, accepter et gardez-la. Même au prix de longues explications, même au prix de négociations, même au prix d’une séparation.

Une personne qui vous aime respecte vos limites, même quand elle ne les comprend pas, même quand elle les trouve idiotes, vieux jeu, bizarres, prudes…
Une personne qui vous aime ne vous force pas à accepter quelque chose qui — pour vous — est inacceptable.

N’oubliez pas de partager vos témoignages ci-dessous.
Vous êtes-vous posé la question « Est-ce normal » ?
Dans quel contexte ? Avez-vous pu ou su respecter vos propres limites ?
Vos commentaires enrichissent le sujet pour chaque personne qui visite cette page, n’hésitez pas !

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